Parallèlement aux reportages journalistiques, des jeunes, souvent amateurs, prennent la parole dans de courtes vidéos diffusées dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Avec l’avantage de l’ancrage local en plus.
Impossible pour les médias de couvrir l’intégralité du globe. Difficile, surtout, d’obtenir les mêmes témoignages que la jeunesse locale. Partis de ce constat, Claire Leproust a fondé les Hauts-Parleurs en décembre 2015 tandis que Max Bale a initié d’ePop en 2017. Tous deux ont fait le choix de diffuser de courtes vidéos, majoritairement tournées au smartphone, réalisées par des jeunes issus des quatre coins du monde. « On préfère avoir la parole de ceux qui vivent sur place plutôt qu’un regard extérieur », affirme Claire Leproust.
Discriminations, tabous et changement climatique
Coproduits par la société de production Fablabchannel et TV5Monde, les Hauts-Parleurs diffusent deux vidéos par semaine. Ils choisissent d’aborder les thèmes qui leur sont chers : discrimination des cheveux frisés à Madagascar, bananes au chloredécone en Martinique ou encore tabou de l’endométriose en France. « Ce qui nous intéresse c’est ‘’raconte-le avec ta culture’’. […] Leurs reportages en disent beaucoup sur la société actuelle », constate-t-elle.
Un brin plus engagé, Max Bale, chef du service RFI Planète Radio, considère que « malgré les innovations, l’humain commence à manquer », surtout concernant le changement climatique. « On est abreuvés de chiffres, de pourcentages, de courbes que chacun interprète comme il veut. La seule composante difficilement quantifiable c’est le ressenti », estime l’instigateur d’ePop. D’où l’idée d’inciter des jeunes du monde entier à témoigner des impacts du réchauffement de la planète sur leur quotidien, et celui de leurs proches, via des capsules de trois minutes maximum. « Ce sont des récolteurs de témoignages familiaux, de confidences », se réjouit Max Bale. Soutenu par France 24, RFI ou encore France télévision, il refuse pourtant que ce projet soit confondu avec ces médias.
Une formation parallèle au journalisme
« Un ePopeur est tout sauf un journaliste. On n’a pas d’ambition à ce qui le devienne », insiste le responsable de Planète Radio. Chacun est invité à réaliser une ou deux capsules, diffusées au rythme d’une par semaine sur le site epop.network, mais aussi et principalement sur les réseaux sociaux. « On est au 19e siècle, la visibilité n’est plus sur les chaînes de télévision », analyse Max Bale. D’où l’intérêt d’aider ces jeunes à produire leurs propres vidéos. ePop a déjà ouvert une antenne Pacifique à Nouméa ce qui permet à des professionnels d’animer des formations dans le Pacifique. La semaine prochaine, ce sera au tour de l’Océan indien avec un nouveau site à la Réunion, avant un déploiement en Côte d’Ivoire ou au Togo dans un mois.
Même volonté du côté des Hauts-Parleurs. « On n’a pas besoin d’être journaliste pour raconter le réel dès lors que les faits sont avérés, vérifiés », déclare Claire Leproust, qui reproche à certaines formes journalistiques d’être « très formatées ». Les collaborateurs des Hauts-Parleurs ont pourtant, à la différence de ceux d’ePop, souvent vocation à se professionnaliser. « On nous appelle régulièrement l’école des Hauts-Parleurs », remarque leur fondatrice, également à l’initiative de l’Académie des Hauts-Parleurs (voir vidéo). Les conseils des deux rédactrices en chef et des deux monteurs se révèlent en effet très utiles pour ces reporters en herbe qui, bien que majoritairement formés au journalisme, n’ont pas forcément de compétences en vidéo.
Considérés comme des contributeurs rémunérés par les Hauts-Parleurs et des bénévoles d’un réseau participatif par ePop, ces jeunes, plus ou moins amateurs, renouvellent en tout cas la perception du public sur le monde grâce à leurs vidéos. Invité à la COP23 puis par le GIEC, Max Bale a pu diffuser quelques capsules. Il raconte que la vision d’un cimetière désormais englouti pas la montée des eaux a jeté un froid dans la salle.
Augustine Passilly
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