Pour améliorer l’image, le son et la stabilité de leurs vidéos tournées au smartphone, les professionnels n’hésitent pas à investir dans du matériel. L’accumulation n’est toutefois pas une garantie d’obtenir le résultat souhaité, surtout quand celui-ci peut s’obtenir uniquement avec un smartphone.
Pour réussir une vidéo avec son mobile, faut-il nécessairement remplir son sac-à-dos de matériel ? Les années passent, et, petit à petit, les smartphones acquièrent le rôle d’outil de tournage en première ligne. De plus en plus légers et de plus en plus fins, dans une évolution paradoxalement opposée à celle de leur gabarit, ils sont discrets et passe-partout. Les fonctions de leurs caméras sont cependant loin d’être identiques à celles d’appareils photos ou de caméras professionnelles, poussant les journalistes et les vidéastes estampillés « mobile » à s’équiper pour améliorer les images qu’ils filment et diffusent.
Le journaliste belge Damien Van Achter, par exemple, est une sorte d’homme-orchestre de la vidéo mobile. Ses larges épaules supportent régulièrement deux stabilisateurs, un micro et deux téléphones. Les vidéos en direct qu’il tourne possèdent donc parfois deux angles de vue. Un dispositif qu’il a commencé à utiliser au cours de l’été 2017, «pour s’amuser, et pour défier le challenge technique», avoue-t-il. L’usage de ce multicam, il le limite néanmoins «aux tournages en plateau fixe» : en mouvement, le poids est trop contraignant.
Parmi les autres adeptes des stabilisateurs et du multicam, on trouve Anthony Dubois. Mi-runner, mi-cadreur, le jeune homme aux cheveux attachés couvre avec son équipe les Spartan Races. Des courses d’obstacle éprouvantes, attirant des participants du monde entier. Pour filmer tout en sprintant – une gageure – Anthony Dubois possède «cinq Osmo (une marque de stabilisateurs, ndlr)» et autant d’iPhone 7 qu’il dispatche avec les autres cadreurs en mouvement. «La qualité des iPhone 7 est comparable à celle des modèles suivants, et il coûte moins cher», justifie-t-il, vantant l’argument du rapport qualité-prix idéal.
Bien faire avec peu d’outils
Les progrès technologiques ont changé les attentes du public. Les professionnels de la vidéo mobile doivent donc vivre avec leur temps. Tous les esprits semblent aujourd’hui tournés vers un point : obtenir un son de qualité. Pour Damien Van Achter, c’est simple, «si le son n’est pas bon, ça casse tout, et les gens se barrent, même si l’image est parfaite». Créateur de fictions tournées «sans caméra et sans budget» sur sa chaîne YouTube Little Walk of Fame, Benjamin Lapierre abonde : «Si on veut être vus par beaucoup de monde sur Internet, il ne faut jamais négliger l’audio.» Le vidéaste a commencé sa carrière en tournant des films muets, car il n’arrivait pas à obtenir un son suffisamment bon à son goût.
Perche et stabilisateur en tournage de fiction, grip et micro-cravate en reportage… Si le «matos» varie, les esprits s’accordent : les outils s’adaptent à l’usage, et non l’inverse. Ce qui explique que, chez Brut, Rémy Buisine soit muni uniquement «d’un iPhone XS Max et d’une batterie portable» pour réaliser ses lives de manifestations sur Facebook. Parce que c’est «pratique» et que, depuis les débuts du journaliste sur Périscope il y a trois ans, «ça fonctionne bien». Sans cesse en mouvement lors des manifestations, Rémy Buisine n’utilise pas de grip et de micro car, selon lui, « leur plus-value n’est pas assez intéressante » dans le cadre de son travail. Chacun de ses lives est vu des dizaines de milliers de fois.
Autour de la table du salon Honnorat de la Cité universitaire, sous les lustres aux contours bronzés, le spécialiste italien du journalisme mobile Francesco Facchini se lance dans une des tirades dont il a le secret, une dizaine de minutes de leçon informelle sur le matériel. « Ça ne sert à rien de se jeter sur tous les derniers gadgets qui sortent, finit-il par lâcher. Un bon journaliste mobile, c’est quelqu’un qui sait choisir. »
Paul Idczak
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